J’exige ma Légion d’honneur

Brèves | pandore | mars 25, 2011 at 19 h 48 min

Lettre de Gaydamak à Sarkozy :

C’est à titre de document que nous publions la lettre qu’Arcadi Gaydamak, homme d’affaires recherché par la police française, devait envoyer mercredi à l’Elysée. Homme d’affaires franco-israélien d’origine russe, 58 ans, Gaydamak est impliqué dans l’affaire du trafic d’armes de l’Angolagate, dans les années 90.

Condamné à six ans de prison ferme en octobre 2009, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Il attend la décision de la Cour d’appel.

Arcadi Gaydamak (Deror Avi cc)C’est peu dire que Gaydamak est un homme controversé : correspondant de la DST, du KGB et des services israéliens, il a fait sa fortune sur le business de l’ombre, entre Paris et Moscou, surtout après la chute du mur de Berlin. En France, il s’est appuyé sur Charles Pasqua et ses réseaux. Il est aujourd’hui immensément riche (et il doit d’ailleurs immensément d’argent au fisc français : il est aussi recherché pour cette raison).

En 1993, alors que l’Angola était en proie à une terrible guerre civile, la France avait refusé de vendre des armes au Président José Eduardo Dos Santos. Selon la justice, Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak ont alors procuré discrètement à l’Angola pour 760 millions d’euros d’armements : chars, hélicoptères, bateaux, le tout s’accompagnant de pots-de-vin.

Falcone et Gaydamak ont été condamnés à six ans de prison pour commerce d’armes, trafic d’influence et blanchiment. Falcone est sous les verrous, Gaydamak dans la nature. Charles Pasqua, qui lui a remis l’ordre du Mérite par la suite, a été condamné à un an de prison ferme pour trafic d’influence.

Gaydamak se compare au capitaine Dreyfus

Téléchargez la lettre ouverte de Gaydamak à SarkozyDans sa lettre, Gaydamak s’estime victime d’une manipulation, se comparant pas moins qu’au capitaine Dreyfus. La lettre, pleine d’emphase, est intitulée « Pour rétablir ma dignité et la vérité, j’exige ma Légion d’honneur ». Gaydamak se considère comme « un héros », pour avoir, grâce à ses liens avec les services russes, facilité la libération d’otages en Bosnie et en Tchétchénie.

L’Angolagate, clame-t-il, est une « histoire montée de toutes pièces par des politiciens sans vergogne ». Ce que lui reproche la justice serait :

« […] une tartuferie dont les acteurs principaux sont Jacques Chirac, ses enfants spirituels Villepin et Juppé ainsi que leur arme de destruction massive en la personne d’un petit gardien de prison, un jour fait roi à la cour présidentielle pour devenir le juge Courroye ».

Sa cible principale est justement Courroye, ancien juge d’instruction et aujourd’hui procureur à Nanterre, qu’il considère comme le chef d’orchestre de cette prétendue conspiration chiraquienne. « Je suis moi aussi l’otage du juge Courroye », écrit-il.

Mais il n’épargne pas non plus le destinataire de sa missive, Nicolas Sarkozy, qu’il accuse d’être tenu par Courroye :

« Vous avez distingué l’année dernière ce même juge Courroye… Mais quels sont ses états de service ? A-t-il comme moi, au péril de sa vie, sauvé une partie de l’humanité ? A-t-il consacré une partie de sa vie à aider les autres ? Ou vous sentiez-vous en quelque sorte son obligé à ce moment-là ? »

Le « dindon de la farce » d’un complot chiraquien

A le lire, aucune arme française n’a été vendue de façon illicite à l’Angola. Il ne serait que le « dindon de la farce » d’un complot chiraquien ourdi dans les années à faire tomber Charles Pasqua, qui avait, dans les années 1990, pris ses distances avec Jacques Chirac en lançant sa propre formation politique (le RPF) :

« Monsieur le Président, vous savez bien qu’il n’y a jamais eu de trafic d’armes illicite en
Angola. Tous vos services de renseignements ainsi que ceux de la Défense française ont
attesté du contraire. Vous savez pertinemment que je suis victime d’une cabbale politico–médiatico-financière et qu’il faut bien “ un dindon de la farce ”.

Vous êtes bien placé pour savoir à quel point la France a à perdre en laissant faire le juge
Courroye et ses complices avec l’ensemble des vices de procédure connus de tous désormais. »

Arcadi Gaydamak n’a jamais avancé ces arguments à la justice, et pour cause : il a toujours refusé de s’y présenter, depuis dix ans.

Photo : Arcadi Gaydamak en 2008 (Devor Avi)

http://www.rue89.com/2011/03/17/lettre-de-gaydamak-a-sarkozy-jexige-ma-legion-dhonneur-195518

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